Quand une journée vire au cauchemar…

Quand le monde a annoncé une pandémie, ma première réaction a été la peur. La peur de manquer de travail, de manquer de nourriture, de manquer d’argent. De ne plus être capable de payer mes comptes, de prendre soin de mes enfants, de perdre ma maison, de perdre mes investissements financiers, de perdre une fois de plus ma dignité… Surement plusieurs ont eu peur de perdre leur fond de pension, de perdre leur avenir, de perdre leurs investissements boursiers. Je sais que je ne suis pas toute seule ici. Ça me rassure un peu. Nous sommes des millions!

L’anxiété m’envahit plus que j’écoute les nouvelles. Le stress envahit mes entrailles plus que je pense à la récession qui va s’en suivre. L’angoisse m’effondre quand j’imagine les répercussions possible dans tous ces pays qui n’ont pas d’électricité courant, pas de magasins à grande surface, pas de réserve de nourriture, pas de système hospitalier accessible, pas de compte de banque ni de gouvernement pour leur donner un salaire temporaire ni un prêt sans intérêt pour continuer. Tous ces gens qui vivent au jour le jour et qui vivent déjà dans la misère. Pour tous ces gens isolés, pour ceux qui meurent seul, je pleure.   

Les émotions du passé m’envahissent sans même prendre le temps de me demander mon avis. Notre faillite de 2009 me revient en plein coup de fouet. Avec la récession de 2008. Nous n’étions pas à l’abri, jeunes parents de trois enfants en moins de trois ans. Nous n’étions pas très bien outillés pour faire face à ce changement économique drastique. Les dettes nous ont coulés sournoisement tout au fond du baril. Nous avons tous perdu, maison inclus, ainsi que notre fierté d’être indépendant… Il nous a fallu plusieurs années à surmonter cette dure épreuve. À être capable de regarder le solde de notre compte de banque sans que je me serre les dents de peur d’en manquer.

Puis en mars 2020, le monde entier est dans une situation irréelle, précaire. Une pandémie nouvelle, ce fameux COVID-19 qui va trop vite. Qui suit notre rythme rapide de société effréné. C’est épeurant. Pour tout le monde. Quand tu es entrepreneur et que tu perds tous tes contrats. Restaurateur et que tu dois fermer ton restaurent. Manufacture et que tu dois mettre à pied des employés. Investisseur dans l’immobilier et que tu ignores si tes locataires pourrons payer. Employé et que tu dois rester à la maison avec un salaire incertain. C’est un coup dur pour tout le monde.

Puis hier, samedi après-midi, nous allons en forêt prendre une marche. Nous sommes tous les cinq avec notre nouveau chiot de 5 mois. Ça fait 2 mois qu’elle est avec nous. Le meilleur chiot jamais imaginé. Douce, calme, enjoué, attachante, un petit berger australien de couleur désert avec un regard soyeux. Nous sommes dans un sentier de vélo de montagne et dévalons la piste en courant et en criant de joie, en s’imaginant que nous sommes sur nos bicyclettes. Brusquement, des cyclistes arrivent et nous avons à peine le temps de crier «Attention aux enfants». Tout va si vite. Je vois les enfants s’enlever rapidement de la piste et mon chiot se précipiter vers un des cyclistes. Celui-ci ne la voit pas et passe par-dessus son petit corps poilu. Elle court se réfugier plus haut sur la colline et nous allons tous la rejoindre. Elle saigne de la bouche et s’étouffe de liquide. Elle nous regarde, impuissante. Nous ne pouvons pas la sauver. Elle est toute brisée de l’intérieur, et nous aussi d’ailleurs. Nous savons qu’elle s’en va, mais beaucoup trop rapidement, n’ayant à peine le temps de faire nos adieux…

Je ne sais pas ce qui me rend le plus triste, le fait d’être aussi impuissante, incapable de sauver mon chiot qui se meurt dans nos bras si rapidement ou de savoir que mes enfants viennent d’assister à la mort ou parce que je viens de perdre ma nouvelle complice à quatre pattes. Je me console que nous avons été chanceux de la connaître, même pour si peu de temps. Je me sens si mal pour cet homme qui doit avoir fait les mêmes cauchemars que nous, incapable de dormir de la nuit. Ce n’est pas de ta faute, c’est un accident. Si je le pouvais, je te prendrais dans mes bras et nous pourrions pleurer ensemble…

Mon plus grand garçon, trop triste pour assister à cette mort soudaine, s’en va seul et disparaît dans le sentier. Je me dis qu’on le rejoindra à la voiture. Incapable de parler, Betsy, Nelson et moi parcourons le kilomètre qui nous sépare de l’auto pour réaliser que Walace n’y est pas. Martin nous rejoins rapidement, avec le corps inerte de notre chiot bien-aimé. Réalisant qu’il nous manque un gros morceau de la famille, nous ordonnons à Betsy et Nelson, en larmes, de rester dans la voiture tandis que nous partons à la recherche de Walace. Pour les 30 minutes suivantes, nous courons dans les sentiers en criant son nom, devenant de plus en plus inquiets. Puis je retourne à la maison, 3 km plus loin, pour chercher nos 2 cellulaires et nos 2 vélos, laisser les enfants à la voisine avec l’idée d’appeler les secours car la noirceur ne tardera pas. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la poignée que la porte d’entrée s’ouvre. Mon grand garçon, déboussolé, triste et accablé nous regarde de son regard bleu doux, impuissant, depuis l’intérieur de la maison.  

Nous retournons rejoindre Martin à la forêt, et tous les cinq, creusons un dernier trou pour notre petit chiot. Walace lui donne une balle qui était dans sa poche et Betsy les croquettes qu’elle apportait partout pour son entrainement. Nous lui dessinons un grand cœur avec des pierres et retournons à la maison, maintenant trop vide. Nous devrons réapprendre à vivre sans elle.

Ce qui me fait penser à la situation mondiale actuelle. L’argent, un travail perdu, un statut social, ce n’est pas grave. On peut tout perdre mais on s’en sort. Ça fait mal, mais on s’en sort. Ça ne sert à rien de stresser pour l’argent, ou la peur d’en manquer. Un semblant de normal finit par revenir et la vie reprend son cours, tranquillement. Faut-il encore être en vie. Et c’est bien ce qui compte. De rester en santé, de rester vif, de prendre soin de soi, de sa famille, de ses enfants. De rester chez soi pour permettre à ceux qui travaillent au front de se protéger et de protéger leur famille. Vous êtes des héros, vous qui travaillez d’arracher pied à sauver des vies. Vous qui travaillez fort pour nous permettre de rester chez nous, à l’abri. Je pleure avec vous, ceux qui ont perdus quelqu’un trop rapidement, sans avoir eu le temps de dire un au-revoir adéquat.

On est tous dans le même bateau. Les tempêtes finissent toujours par passer, le soleil finit toujours par briller. Parce que tout le reste, on s’en fou, ça va passer. Vivre, aujourd’hui, maintenant, c’est bien ça l’important.

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9 Responses
  1. Carole

    Je te comprend tellement……pour la perte de ton petit chiot…..
    Mais oui….en ces temps si incertains …rester en vie et en santé…..reste notre principale bataille.
    J’ai moi aussi , un chien depuis 5 ans….une boule brune tout frisé……Théo, que nous aimons tant, surtout en ces temps de confinement…….Chère Annie, ..ça va bien aller.🌈

  2. Juliette

    Bonjour à vous tous je suis bien contente d’avoir de vos nouvelles désolé pour votre petit chien je suis bien triste pour vous,mais vous êtes en santé c’est très important prenez bien soin de vous je pense à vous souvent bye xxxxx

  3. Rose Anna Jomphe

    Désolée pour votre petit chiot, mais toujours aussi impressionnée par ta belle écriture… Bon courage pour la suite des choses …Comme tu dis si ben, c’est la santé et la vie en famille qui compte en premier, le reste s’arrangera…

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